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vendredi 9 août 2013

L'affaire des experts "Khodorkovsky" va-t-elle remonter jusqu'à Medvedev ou l'indépendance de la justice dans les faits

Voir dans la presse russe: http://tvrain.ru/articles/sledovateli_kopajut_pod_dmitrija_medvedeva_ego_pomoschnika_mogut_doprosit_po_delu_o_liberalizatsii_uk-349594/
http://www.vedomosti.ru/politics/news/15016551/sledstvie-vyyasnyaet-prichinu-gumanizacii
http://www.vedomosti.ru/opinion/news/15057771/delo-gumanizatorov

Sur l'historique de l'affaire des experts, ou comment des "groupes" d'expertise sur l'humanisation du droit pénal ont été mis en place et utilisés pour déréguler le droit pénal économique et servir les intérêts de M. Khodorkovsky, voir notre analyse publiée ici le 10 juin : http://russiepolitics.blogspot.fr/2013/06/khodorkovsky-le-conseil-des-droits-de.html

Revenons rapidement sur cette affaire. Donc, en utilisant des financements anglo-saxons, des groupes d'experts bien choisis ont été mis en place sous la direction technique de E. Novikova et la direction "intellectuelle" de T. Morshchakova. Une affaire lancée par le Comité d'enquête qui remonte jusqu'au Conseil des droits de l'homme, puisque de nombreux experts en font partie ou se sont retrouvés en situation de dépendance par rapport au président, M. Fedotov, de cette organe étatique de conseil auprès du Président russe.
Alors que jusqu'à présent il s'agissait de s'interroger sur l'indépendance de ces experts, l'enquête touche maintenant de hauts fonctionnaires et des députés de la Douma elle-même. En effet, déjà à l'époque, le Comité d'enquête avait été surpris de voir l'organisation de "rencontres" au sein de la Douma avec des représentants uniquement du système américain, pour, soi-disant, comprendre l'expérience étrangère.
Aujourd'hui un nom, peu connu du grand public, mais qui n'en est pas moins le cardinal gris des réformes pénales depuis l'ère Eltsine, un personnage hautement influent qui a traversé les présidences sans quitter le pouvoir, M. Paleev, est appelé par les enquêteurs pour son énorme travail sur "l'humanisation du droit pénal". L'appellation est jolie, pourtant les buts et les techniques de mise en oeuvre le sont moins. Il s'agissait par exemple de l'annulation de la possibilité d'utiliser la détention provisoire en cas d'infractions économiques commises par les hommes d'affaires. Mesure salutaire ou résultat d'un travail de lobbying bien organisé? A vous de décider. Donc l'humanisation en question s'est traduite par une augmentation de la dérégulation du droit pénal des affaires et la volonté de la dépénalisation pure et simple du droit des affaires, dans la logique bien connue selon laquelle l'existence d'une incrimination juridique entraîne l'existence de la réalisation de l'infraction. Pas de textes, pas de fautes, c'est un certain point de vue. Mais qui est M. Paleev?
Il s'occupe à l'administration présidentielle des réformes pénales, il s'en occupait déjà sous la présidence Medvedev. Dès le début de sa carrière, il est très proche des milieux ultra libéraux de l'époque Eltsine, son discours est alors plus radical. Il a pris sous son aile, par exemple, le nouveau Code de procédure pénale russe, qui avait été préparé sous les auspices américains et présenté par l'ambassadeur des Etats Unis à Moscou. Avec le temps, son discours se systémise, se tempère, ce qui lui permet de traverser les présidences et de s'adapter aux exigences tout en gardant son cap. Et son activité trouve toute sa mesure avec les réformes conduites sous la période Medvedev. Comme on le souligne au Ministère de l'intérieur, rien n'est adopté en la matière sans son accord.
Le problème qui se pose est très simple. Il influence les structures, les individus, il fait donc une sorte de lobbying à très haut niveau tout en étant intégré dans les structures de pouvoir. Donc, quand le Comité d'enquête s'intéresse non pas une figurine mise en place par le grand stratège Medvedev, mais à une personnalité de cette ampleur, le clan libéral grince des dents et s'inquiète. C'est tout un système d'influence, de lobbying caché, qui risque d'être mis en péril.
La réaction, nous la voyons dans l'article, d'une grande qualité idéologique faute d'être journalistique, publié aujourd'hui dans Vedomosti, quotidien mis en place en Russie par The Financial Times et The Wall Street Journal. Si l'on passe sur le traitement de l'information et la critique ulcérée de l'institution du Comité d'enquête (organe alors créé dans le but d'affaiblir la Procuratura ...), certains éléments sont également intéressants. L'affaire des experts est une affaire d'Etat et le Comité d'enquête s'intéresse à la période où Paleev dirigeait le groupe de travail sur la modernisation de la législation pénal, période lors de laquelle il travaillait directement avec le Président Medvedev. Donc... donc la question qui est sur toute les lèvres est de savoir si Medvedev sera lui aussi entendu, à titre de témoin évidemment, dans cette affaire. Car si cette enquête bénéficie de l'assentiement du pouvoir pour que les enquêteurs soient en mesure de travailler indépendamment de la fonction de la personne entendue, tous ignorent à ce jour jusqu'où porte leur mandat. Mais ce qui particulièrement intéressant est la verve avec laquel l'auteur de la publication dans ce journal rattache tout à l'affaire Khodorkovsky. Il n'a donc pas le moindre doute sur le fait que la modernisation de la législation pénale est liée aux intérêts de l'affaire Khodorkovsky. Pour lui c'est une évidence.
Certains, anonymement, estiment que cela va encore permettre d'affaiblir le clan Medvedev, qu'il s'agit d'une revanche des conservateurs. C'est une manière de voir, et surtout de présenter, les choses. Pourtant il est important de savoir si la législation est modifiée dans l'intérêt général, pour une réelle "modernisation" (même si le terme ne veut rien dire en soi), ou bien si la législation est adapté en fonction d'intérêts sectoriels défendus par un lobbying actif qui a pris racine dans le corps même de l'Etat, voire s'il s'agit de la défense d'intérêts encore plus précis touchant la personne de M. Khodorkovsky qui n'a pas ménagé ses efforts ces dernières années. Dans l'un de ces deux derniers cas, doit-il exister une impunité ? C'est cela aussi l'indépendance de la justice.

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