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vendredi 21 septembre 2012

L'incompréhensible projet de télévision de la société

Voir: http://izvestia.ru/news/535715

Le projet de création d'une télévision de la société arrive à son point culminant. Il a été enregistré par le ministère de la justice, son président a été nommé, un Conseil a été créé. Mais personne ne comprend à quoi cela va servir. Dans une interview, le journaliste V. Soloviev, dans son style provocateur habituel, soulève les problèmes fondamentaux de ce projet de D. Medvedev.
 
En effet, il n'y a pas de plan d'action. Le réseau télévisuel est déjà couvert par un évantail assez large de chaînes différentes, qui vont des chaînes d'informations, aux chaînes généralistes, aux chaînes culturelles, aux chaînes de film, etc. La question centrale est que peut apporter de nouveau ce projet?
 
Il est censé travailler à la formation d'une société civile en Russie. mais comment une chaîne de TV peut le faire, pour l'instant concrètement personne ne le dit.
 
Il doit proposer une alternative aux shows hurlants et mouvants, donc proposer des émissions plus "réfléchies"? Mais où sera la différence avec la chaîne Cultura?
 
Il doit être attractif pour fixer un auditoire, mais comment réaliser ce but? Enigme ...
 
Personne, pour l'instant, n'a réellement formulé une conception de ce projet. Pourtant la chaîne doit débuter le 1er janvier. Mais que présenter, c'est l'inconnue.
 
Ce projet est évidemment une réaction aux mouvements de protestations, qui ont fait peur à D. Medvedev. Contre la critique d'une télévision muselée, il propose une télévision de la société, mais sans avoir une idée claire de ce qu'il faut concrètement en faire.

jeudi 20 septembre 2012

La société civile et l'Etat: la recherche douloureuse d'un équilibre

Voir: http://www.specletter.com/obcshestvo/2012-09-20/ot-amerikanskoi-mechty-k-rossiiskim-realijam.html

Les relations entre la société civile et l'Etat sont toujours conflictuelles et délicates, car aucune structure ne peut accepter calmement que l'on pointe du doigt ses défauts, comme aucune personne n'acceptera facilement la critique. Pourtant, aucun Etat ne peut fonctionner sans une société civile active, organisée et efficace, elle fait partie des mécanismes de légitimation du pouvoir, des mécanismes de contre-pouvoir.
 
La fermeture en Russie de l'Agence américaine USAID, la plus grosse agence américaine de financement non militaire à l'étranger relance le débat éternel sur la nature "idéale" de la société civile, indépendante mais constructive. Le ministère des affaires étrangères russe souligne que cette Agence, par l'intermédiaire du financement de certaines associations en Russie tentait d'influencer la politique intérieure russe. Les associations elle-même soulignent que le financement étranger est une garantie d'indépendance et que la baisse du financement qui sera consécutive au départ de l'USAID va leur porter un coup dure, même si le financement sur plusieurs années des programmes déjà entérinés sera assuré.
 
En effet, ici sont mises en évidence les deux questions centrales. La première - celle du financement, la deuxième - celle de l'indépendance. Mais ces deux questions sont largement interdépendantes. Aucune activité sérieuse à long terme ne peut se passer de financement stable. Quand le financement dépend uniquement de l'Etat dans lequel fonctionne l'association, l'attribution risque d'être appréciée en fonction de critères politiques, qui peuvent porter préjudice son activité. Mais quand un financement trop important vient d'un pays étranger en particulier, la question de l'indépendance de la société civile se pose également, même si différemment. Car aucun Etat n'aura réellement pour but de "gratuitement" soutenir financièrement le développement et la stabilisation d'un autre Etat. La concurrence existe aussi sur la scène internationale. S'il est absurde de tomber dans la paranoïa, il ne faut pas non plus être naïf.
 
La fermeture de l'Agence USAID, mesure radicale, n'est pas forcément la meilleure solution. Mais maintenant c'est un fait. Et il y a une chance pour que cela provoque une réelle poussée d'indépendance des organes de la société civile, ainsi qu'un certain "nettoyage" entre les organes plus "politiques" et les organes "sociaux". Car il est également important que chaque acteur, notamment l'Etat et les organes de la société civile, puissent trouver leur place. A cette seule condition le système pourra enfin être bénéfique pour la population, ce qui est somme toute le but.

mercredi 19 septembre 2012

La crise autour de l'adoption du budget ... de crise

Voir: http://www.kommersant.ru/doc/2025478

A la surprise générale, le projet de budget 2013 et le projet de budget prévisionnel pour 2014 et 2015 sont apparus sur la page internet du ministère des finances, avant la réunion du Gouvernement prévue pour leur adoption.
 
V. Poutine, à Sotchi, a tenu une réunion devant la presse avec la plupart des ministres - mais sans la présence de D. Medvedev qui était occupé à Skolkovo - quelques heures après la parution inédite du document. Et le conflit a ainsi pu être porté au public par la presse. Car le problème principal est que le budget ne prévoit pas l'intégration de la réalisation des oukases présidentiels de mai, concernant la hausse des salaires, la réforme du système de retraite, le développement de l'investissement en Extrême Orient et en Sibérie etc. Cela ressemble un peu à une mise en scène.
 
Bref, les oukases sont restés lettre morte. Il semblerait qu'il y ait eu un manque de temps pour les intégrer dans le budget, qui doit et couvrir une hausse des dépenses publiques, et assurer un équilibre des finances de l'Etat, et lutter contre l'inflation, et développer le pouvoir d'achat. Il s'agit donc a priori d'un budget impossible à mettre en oeuvre.
 
Mais deux ministres vont formellement payer le crime de lèse majesté et recevront un avertissement. Les choses vraissemblablement en resteront là. De toute manière, les modifications demandées par le Président ne sont pas techniques mais structurelles et le Gouvernement n'aura pas le temps de les intégrer. Il y a donc de fortes chances pour que le texte définitif du projet reste celui publié par le ministère des finances.
 
N'y a-t-il pas une certaine hypocrisie dans ce "conflit"? Le Président, comme le note la presse, semblait très bien au courant du projet de budget. Donc, il aurait pu y faire introduire ses promesses électorales s'il y en avait eu réellement une volonté. N'est-ce pas un moyen un peu facile de faire passer des promesses finalement populistes à la trappe de la réalité des rigueurs budgétaires actuelles. Un peu comme en France, la faute est reportée sur Bruxelles dès qu'il y a un problème, ici c'est le Gouvernement qui paie la note des promesses faites et des oukases non accomplis.

mardi 18 septembre 2012

Dans le sillage de l'affaire Gudkov, Edinaya Rossiya aura-t-elle le courage de faire le nettoyage dans ses rangs?

Voir: http://izvestia.ru/news/535448

A la suite de l'affaire Gudkov, le clan Edinaya Rossiya se divise. En effet, le fils de l'ancien député a publié toute une liste de députés continuant à exercer une activité commerciale. Que faire de ces informations?
 
Une partie des députés refusent qu'il soit donner suite à ces informations pour la simple - et pas forcément - bonne raison que l'on ne trahie pas les siens. D'autres, soutenus par l'administration présidentielle, estiment qu'il est temps de faire le ménage dans leur propre rang, afin de conduire au départ les députés Edinaya Rossiya qui continuent à exercer, comme Gudkov, une activité commerciale. Cette position est officiellement soutenue par V. Volodine, vice-directeur de l'Administration présidentielle.
 
Cet élan est confirmé depuis la Douma elle-même, où sont repris les mots du Président V. Poutine, selon lequel, il n'y aurait pas de place à la Douma pour des "commerçants-députés", quel que soit le parti auquel ils appartiennent.
 
Le premier député Edinaya Rossiya à être sur la touche est A. Knychov, suite aux révélations des députés Spravedlivaya selon lesquelles il n'avait pas déclaré un bien aux Etats Unis et la possession d'une compagnie en Slovaquie.
 
Il faut rappeler que si A. Knychov est sorti du conseil de direction de la compagnie en Slovaquie, avec V. Kirsanov, il dirige également plusieurs compagnies en Russie, particulièrement rentables, qui s'occupent de construction et des routes. Alors que parallèlement à ces activités, il fait partie du comité de la Douma en charge des questions de propriété foncière et des routes... Cela donne un fondement aux députés Spravedlivaya Rossiya Gudkov-fils et Ponomarev pour espérer qu'il y soit trouvé un conflit d'intérêt.
 
Les députés Spravedlivaya Rossiya ont déjà envoyé une requête à la Prokurature et au Comité d'enquête, ainsi qu'au président de la Douma, pour éclaircir ces faits. Pour sa part, A. Knychov affirme que son unique appartement aux Etats Unis est déclaré et que la firme en Slovaquie n'a pas fonctionnée de facto. A suivre ...

lundi 17 septembre 2012

Affaire Gudkov: la décision est légale mais est-elle légitime?

Tout d'abord les débats autour de la levée de l'immunité parlementaire du député Gudkov, puis le vote de l'interruption anticipée de ses fonctions ont donné lieu à des débats particulièrement passionnels. Pour les uns, c'est une victime du système politique qui refuse l'opposition, pour les autres c'est un homme d'affaire véreux qui a utilisé les possibilités que donnent la fonction parlementaire pour développer ses affaires - formellement transmises à sa femme.
 
Nous ne reviendrons pas sur les faits, car il faudrait avoir accès au dossier (et pas uniquement à la presse) et en connaître réellement le fond pour pouvoir sérieusement se prononcer. Mais, l'argument choc qui est sorti de cela est qu'il est inadmissible d'avoir mis fin de manière anticipée aux fonctions de ce député, sans même qu'une décision de justice ne soit venue sanctionner le processus.
 
Revenons donc sur le texte de la loi fédérale du 8 mai 1994 n°3-FZ (dans la rédaction actuelle du 21 novembre 2011) concernant le statut des membres du Conseil de la Fédération et le statut des députés de la Douma d'Etat de l'Assemblée fédérale.
 
Selon la législation en vigueur, les fonctions de député prennent fin de manière anticipée, notamment, suite à une condamnation pénale, lorsque ce député entre dans les organes de direction d'organisations commerciales et quand il exerce une activité commerciale rémunérée (article 4, point 1). En s'appuyant sur ces fondements, la décision de mettre fin aux fonctions d'un député est prise par la Douma, par un acte dans lequel est précisé la date de fin des fonctions. La Douma ne peut pas prendre un tel acte plus de 30 jours après l'apparition du fondement juridique permettant la mise en route de la procédure, ce qui permet d'éviter d'avoir un moyen de pression et de chantage sur les députés. (article 5). Par ailleurs, les députés sont obligés de respecter les normes éthiques, dont le régime de la responsabilité en cas de violation est établie par le Règlement intérieur de la Chambre. (article 9).
 
C'est une première procédure. La seconde, celle de la levée de l'immunité parlementaire est réglée de la manière suivante.
 
L'immunité parlementaire d'un député ne peut être levée sans l'accord de la Douma, que cela concerne, notamment, la mise en cause de la responsabilité pénale ou administrative devant la justice d'un parlementaire, son arrestation, interrogatoire ou autre. Dans ce cas, les organes d'enquête informent la Procurature, qui formule la demande de levée de l'immunité auprès de la Douma. (article 19). La Douma examine la demande présentée par le Procureur général, selon la procédure établie par le Règlement intérieur, et informe le Procureur général de sa décision. Il est possible à la Douma de demander des informations supplémentaires, d'entendre les personnes concernées etc. (article 20).
 
Que ressort-il de ceci? A aucun moment, la législation en vigueur ne prévoit l'intervention d'une juridiction. Et sur quels fondements? L'exercice d'une activité commerciale n'est pas en soi une infraction pénale. Gudkov n'a pas violé la législation pénale, mais la législation déterminant le statut des députés. Il ne s'agit donc pas d'une responsabilité pénale. Les juridictions pénales ne peuvent donc pas être compétentes. Mais la responsabilité n'est pas non administrative, puisqu'il s'agit d'un élu et non d'un fonctionnaire, auquel on inflige une sanction. Les juridictions de droit commun en charge du contentieux de la fonction publique ne sont donc pas non plus compétentes. La responsabilité n'est pas non plus politique, puisqu'il ne s'agit pas d'une remise en cause du mandat par les électeurs. Il pourrait s'agir d'une responsabilité dite "constitutionnelle", concept développé par la doctrine russe concernant la sanction des infractions aux règles de fonctionnement des organes d'Etat. Même si la doctrine dévoie ce concept en y incluant, notamment, la dissolution de l'Assemblée ou le renversement du Gouvernement, en ce qui concerne l'affaire Gudkov, nous sommes exactement dans le cas de figure d'une responsabilité constitutionnelle.
 
Ce qui choque instinctivement ici est l'absence du parallèlisme des formes. Un élu perd son mandat indépendamment de la volonté des personnes qui lui ont accordées sont mandat. Il est toujours possible, de manière irréaliste, d'envisager dans ces cas, l'organisation en urgence d'une sorte de referendum-plébicite. Mais si l'on est plus réaliste, se pose la question de la nécessité ou non de l'intervention d'une juridiction quelconque, puisqu'il y a une responsabilité.
 
La décision d'interruption anticipée des fonctions parlementaires de Gudkov est légale. Les procédures existantes ont été suivies. Mais sont-elles suffisantes pour garantir l'absence de manipulation, excès ou dépassement de pouvoir de la majorité politique envers la minorité? Et là, la réponse est négative. Pourtant le problème est systémique. Ce qui pose la question de la légitimité du système en tant que tel et donc de la décision individuelle concernant le député Gudkov.
 
Vu la manière dont les faits se sont enchaînés, il semble au départ qu'il y ait eu une hésitation entre la mise en route d'une affaire pénale et la demande formulée pour la levée de l'immunité parlementaire, processus dont les conséquences auraient été pires pour le député Gudkov, et la "simple" procédure concernant la violation du statut de député, dans laquelle il perd ses fonctions mais pas ses affaires. Finalement, la deuxième voie a été choisie.
 
Pourtant, si conforme soit-elle, la procédure pose des problèmes théoriques. Il n'y a pas de garantie contre l'exécution de la volonté de la majorité politique, qui peut donc décider avec le soutien inconditionnel de ses inféodés. Car même si la place sera occupée par un autre membre du parti auquel appartient le député sortant, ce type de mécanismes, s'ils se répètent, risque de désorganiser le fonctionnement des fractions parlementaires. Le choix d'un député se fait évidemment en fonction du parti auquel il appartient, mais aussi en raison de sa personnalité. Les considérer comme interchangeables reviendrait à nier le poids de l'individualité dans les processus politiques.
 
La grande absente est la justice. Mais si on l'analyse abstraitement, se pose la difficulté de la cour qui, théoriquement, pourrait être compétente. La création d'une juridiction spéciale est interdite en Russie, vu les excès ayant existés à d'autres époques. Si la responsablité est constitutionnelle, le contentieux pourrait logiquement en revenir à la Cour constitutionnelle, mais va se poser difficultés en terme de moyens d'enquête. Le débat reste donc ouvert.
 
Toutefois, le plus grand problème de cette procédure ne vient pas de la procédure elle-même. Il vient de l'image déplorable du parti Edinaya Rossiya et de sa position dominante. C'est pourquoi seule une démarche systémique, incluant un grand nettoyage et des rangs de la Douma et du parti au pouvoir, pourrait faire de l'affaire Gudkov non pas le symbole d'une incurie politique, mais celui d'une rénovation de la vie politique russe.