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vendredi 14 septembre 2012

Vers une soviétisation du discours européen? à propos de la résolution sur la politisation de la justice en Russie

Voir: http://www.kommersant.ru/doc/2021619
Le texte de la résolution :http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fTEXT%2bMOTION%2bB7-2012-0427%2b0%2bDOC%2bXML%2bV0%2f%2fFR&language=FR
Le résultat du vote: http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-%2f%2fEP%2f%2fNONSGML%2bPV%2b20120913%2bRES-VOT%2bDOC%2bPDF%2bV0%2f%2fFR

Le 13 septembre, le Parlement européen (UE) a adopté une résolution intitulée "L'utilisation politique de la justice en Russie".
 
La Russie n'est évidemment pas membre de l'Union européenne, mais comme l'explicite le texte de la résolution, dès le premier point, "considérant que l'Union européenne reste attachée à l'approfondissement et au développement de ses relations avec la Russie, ainsi qu'en témoigne sa volonté d'engager des négociations sérieuses en vue d'un nouvel accord-cadre dans lequel s'inscriront les relations futures de l'Union européenne et de la Russie, que l'Union européenne et la Russie ont noué des relations profondes et touchant à tous les aspects, en particulier dans les secteurs de l'énergie, de l'économie et des affaires, et qu'elles sont devenues interdépendantes au sein de l'économie mondiale". Et là nous plongeons en pleine real politik. Mais également on frôle l'hypocrisie. L'UE a besoin de se fournir en énergie auprès de la Russie, mais l'UE reste attachée aux valeurs démocratiques, il faut donc prendre des mesures politiques. Et le résultat est cette résolution.
 
Tant la manière dont elle rédigée, que l'argumentation - ou son absence, font cependant peur, justement au regard des valeurs démocratiques, qu'il me semble être inhérentes à l'Europe.
 
En ce sens, l'intitulé "L'utilisation politique de la justice en Russie" fait honteusement penser aux publications soviétiques, dites scientifiques, de propagande. On peut en citer deux exemples.
 
Le premier est un ouvrage sorti en 1948 sur "Le droit pénal au service du réactionnisme anglo-américain", texte hautement scientifique publié par le professeur de l'Institut des sciences juridiques du Ministère de la justice de l'URSS, B. S. Utevsky. Cet ouvrage traite, sous couvert d'objectivité scientifique, du rôle impérialiste des Etats Unis et de l'Angleterre après la Seconde Guerre Mondiale, qui a modifié la carte géopolitique, soumettant des anciens grands joueurs, comme l'Italie, l'Allemagne, le Japon ou la France, à l'impérialisme anglo-saxon, qui s'exprime notamment à travers les conceptions du droit pénal dans le combat pour la démocratie, la lutte avec le communisme, s'exprime aussi dans les relations entre cette branche de droit et les crimes de guerre, la corruption etc. Et l'on peut lire une phrase qui rappelle la résolution, mais d'un autre point de vue. "Les impérialistes américains et anglais n'ont jamais reculé devant l'utilisation de cette arme terrible de pouvoir qu'est le droit pénal, la répression judiciaire sur le fondement de la législation pénale" (p. 4). Ici aussi est donc critiquée, sans plus d'arguments, l'utilisation politique du droit et de la justice.
 
Toujours au niveau de l'intitulé, on peut citer une autre perle. Il s'agit de la thèse de doctorat d'Etat soutenue à Moscou en 1968 sur le thème "La nature politique du droit pénal dans les Etats impérialistes modernes" par P. N. Grichaev de l'Institut juridique de Kharkov (Ukraine). Dans le résummé, l'auteur explique sa démarche de cette manière, "L'analyse de la nature politique du droit des Etats impérialistes contemporains repose sur l'analyse critique de la législation pénale des Etats Unis, de la RFA, de l'Angleterre et de la France. Cela s'explique par le fait que ces pays (...) exercent une forte influence sur le développement non seulement économique, mais politique d'autres Etats. En partie, la politique pénale de ces pays influence largement les modifications de politique pénale dans d'autres pays. (...)". Mais ces pays ont également été choisis car "les juristes de ces pays développent une activité particulièrement importante pour cacher la nature politique du droit pénal bourgeois, étouffer sa dépendance directe avec les intérêts économiques et politiques de monopole, et faire comme s'il reposait sur l'idée du justice et d'humanisme". (p. 5) En critiquant, sans plus argumenter, l'utilisation de la justice en Russie, le Parlement européen critique en fait la législation pénale et son utilisation. Les arguments et les méthodes sont, hélas, anciennes.
 
Et ici, la forme rejoint le fond, autrement dit la méthodologie. Car les intitulés sont très importants. Il ne s'agit ni d'une analyse objective, ni d'une analyse constructive. Mais d'un acte de positionnement politique. La méthodologie est très simple, voire simpliste. Au lieu de développer une analyse systémique de la législation et de la jurisprudence, on cherche ce qui va conforter la thèse présupposée, qui est à la fois postulat et conclusion. On mélange les considérations d'ordre politique et juridique. Les références du système étranger sont triées sur le volet. Cette démarche n'est pas à l'honneur des valeurs démocratiques. Cette démarche conduit à une politisation aveugle et donc à une méconnaissance de l'autre.
 
Il ne s'agit pas de dire que le système judiciaire russe est parfait. Il ne s'agit pas dire qu'il n'existe pas d'affaires politiques. Mais si l'on renvoit dos à dos les affaire Khodorkovsky, les détenus de Guantanamo et Clearstream, on ne peut pas parler d'une analyse des systèmes juridiques russe, américain et français. On parle de combat politique. D'une utilisation politique du droit. Et d'une utilisation politique de la justice de l'autre à des fins qui n'ont rien avoir les droits de l'homme et discréditent totalement le discours sur les droits de l'homme, pourtant élément fondamental des systèmes juridiques modernes, si l'on considère toujours que l'Homme est au centre de tout système étatique, donc juridique.
 
C'est cette soviétisation du discours européen qui est extrêmement dagereuse, en premier lieu pour l'Europe. Car toute réduction du discours conduit à une réduction du spectre politique et par conséquent de son efficacité. En tout cas à long terme. Sans parler du discrédit.
 

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