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mercredi 6 juin 2012

Loi sur les manifestations: dérives parlementaires et confusions institutionnelles

Voir: http://kommersant.ru/doc/1952220

Pour contrer l'adoption de la loi sur les manifestations qui durcit à l'extrême les sanctions pécunières à l'encontre des manifestants et des organisateurs, des députés du parti Spravedlivaya Rossiya jouent l'obstruction parlementaire, ce qu'ils appellent "la grève italienne". Cela consiste en le depôt de centaines d'amendements complètement absurdes pour la plupart, comme par exemple apprécier le montant des amendes en fonction du prix des bâtons de police.

Les députés d'opposition (communistes et de Spravedlivaya Rossiya) ont déposé 411 amendements et bien que le comité de la Douma ait demandé de les rejeter, les opposants ont obtenu leur examen individuel, retardant de plusieurs heures l'examen réel du projet de loi. La simple lecture de tous les amendements a pris 15 minutes et il a été demandé de restreindre le temps de vote pour chaque amendement à 5 secondes et le temps de discussion à 1 minute. (pour plus de détails voir http://kommersant.ru/doc/1952429).  Et cela a duré des heures ... pour rien. Aucune discussion réelle ne pouvant de toute manière avoir lieu. D'autant plus que finalement, la nuit, la loi a été adoptée et sera demain examinée par le Conseil de la Fédération. Les sanctions pécunières ont été réduites par rapport au texte initial, mais restent très importantes: jusqu'à 300 000 roubles et 200 heures de travaux d'intérêt général pour les personnes physiques et jusqu'à 1 million de roubles pour les personnes morales. Cacher son visage lors d'une manifestation sera considéré comme une violation de la législation et entraînera une sanction. (voir http://www.specletter.com/news/2012-06-06/51976.html).

Si certains s'émerveillent dans les réseaux sociaux de cet élan démocratique, d'autres s'interrogent, comme le journaliste O. Kachine. Rappelant connaître de longue date les initiateurs de ce mouvement, qu'il s'agisse des députés Gudkov ou Ponomarev, et affirmant ne pas douter de leur sincérité, O. Kachine s'interroge toutefois sur leur capacité à incarner la figure de leader de l'opposition, sur l'intérêt du recours à de telles pratiques. Est-ce cela la démocratie? Est-ce cela le modèle qu'ils veulent proposer pour l'avenir de la Russie? Ne sont-ils pas simplement par hasard tombés dans l'opposition à Edinaya Rossiya, par un jeu de circonstances qui aurait tout aussi bien pu les faire entrer dans le parti du pouvoir? En fin de compte, il n'arrive pas à se convaincre du bien fondé de cette action par ces personnes.

En effet, peut-on considérer l'obstruction parlementaire comme un élément permettant le renforcement de la démocratie? L'expérience française en la matière sous les Troisième et Quatrième République a démontré le contraire. Ce n'est pas un outil démocratique, mais une dérive du système parlementaire. Un outil démocratique, du point de vue de la logique fonctionnelle, permet le renforcement du dialogue et une prise de décision qui tienne compte des différents intérêts en présence. Ici, il n'y a pas de dialogue. Il y a faillite intellectuelle. En recourant à l'obstruction parlementaire, les députés démontrent leur incapacité à démontrer, à convaincre, à proposer des alternatives acceptables pour la majorité. C'est cet échec qui est - pour l'instant - représentatif de l'opposition russe. L'absence de leader en découle directement. Et la confusion entre l'activisme et les mécanismes politiques affaiblissent d'autant les partis d'opposition. Il faut également rappeler que dans tout système équilibré existe ce que l'on appelle la rationnalisation du parlementarisme, ce qui permet de limiter les dérives du système parlementaire. Et la faculté de rejeter en bloc, au niveau même du Comité, des amendements absurdes serait une procédure tout à fait normale.



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